miércoles, 7 de noviembre de 2012

Un luxe insolent





 L'industrie du luxe français, aujourd'hui dominée par les enseignes toutes-puissantes de grandes sociétés telles que Louis Vuitton-Moët Hennessy (LVMH) et Pinault-Printemps-Redoute (PPR), n'est pas sans ses frictions et ses conflits, consciencieusement cachés derrière le blason doré de l'image de ces marques prestigieuses qui font le renom du "made in France". En effet, le monde truculent de la mode a été sujet à de fortes tensions le 14 septembre dernier, quand la cour d'appel de Paris a condamné la sacro-sainte maison Chanel, joyau incontestable de la haute couture hexagonale, au versement de la somme de 200.000 euros de dommages et intérêts au profit de son sous-traitant World Tricot, qui accusait depuis 2005 la marque historique de la rue Cambon d'avoir copié un motif en maille que celle-ci avait nonobstant refusé d'utiliser. Le géant du luxe aurait de ce fait assuré la fabrication du motif au crochet usurpé en Italie, motif que la fondatrice de World Tricot, Carmen Colle, aurait aperçu et reconnu par hasard dans une vitrine tokyoïte de l'enseigne. 

Ainsi, le sous-traitant porte plainte pour "contrefaçon" et réclame le "droit d'auteur-créateur" sur le motif en question; cette accusation en entraînera une autre de la part de la marque attaquée, qui non seulement nie les revendications de World Tricot, mais demande en plus la somme de 500.000 euros pour "préjudice commercial d'atteinte à son image" et un euro symbolique de dédommagement pour "préjudice moral". Chacun sait que les recettes pharaoniques des grands noms du luxe reposent en (très) grande partie sur leur engagement envers des valeurs artisanales et intellectuelles (originalité esthétique, qualité technique, etc.) étroitement liées à leur réputation immaculée, qui font d'elles les figures de proue du savoir-vivre à la française, concept ô combien lucratif. 

Après sept ans de rebondissements juridiques imprévisibles, au cours desquels le tribunal de Commerce de Paris avait (temporairement) blanchi Chanel de l'accusation de contrefaçon faite à son encontre, en condamnant parallèlement le porteur de la plainte au versement de 200.000 euros d'indemnités pour "dénigrement manifeste" de la marque (cependant, Chanel avait également été contraint de verser la somme de 400.000 euros à World Tricot, en tant que compensation "pour rupture abusive du contrat qui les liait"), l'affaire prend une fin similaire au combat de David et Goliath. Si bien le sous-traitant n'a pas obtenu la somme demandée (à savoir, 5 millions d'euros dans l'ensemble), la famille Wertheimer, propriétaire de la maison de luxe depuis les années 1950, devra toutefois se soumettre au verdict de la cour d'appel, ce qui ne manquera pas de ternir l'image, jugée intachable, de la maison fondée par la légendaire "Mademoiselle" Chanel en 1909.






Une affaire similaire a opposé deux autres dragons de la mode depuis le printemps 2011: le très célèbre chausseur Christian Louboutin, dont les notoires semelles rouges sont la marque de fabrique, et une autre grande maison de luxe parisienne, Yves Saint Laurent. Dans des conditions semblables à la découverte du motif conflictuel par le sous-traitant bafoué de Chanel, Christian Louboutin lui-même est stupéfait lorsqu'il se retrouve devant le modèle d'escarpins TribToo dans une boutique new-yorkaise de Yves Saint Laurent, entièrement rouge, semelle non exclue. Immédiatement, Louboutin porte plainte contre l'enseigne pour "concurrence déloyale" et "violation de marque commerciale".




Le bottier, débouté suite à un premier jugement devant les tribunaux de New York en août 2011 qui estimait que "la couleur ne [peut] pas être une marque déposée dans l'industrie de la mode", a (partiellement) obtenu gain de cause: le 5 septembre 2012, la décision finale tombe, et l'on considère que la semelle rouge peut effectivement être une marque déposée; cependant, cela ne s'applique que si le reste de la chaussure "est de la même couleur", ce qui autorise alors Yves Saint Laurent à continuer la mise en vente du modèle déclencheur de l'altercation. 

Les deux camps se réclamant satisfaits de ce résultat, l'on sait désormais qu'uniquement les chaussures à semelles rouges monochromes seront exemptes des persécutions du chausseur aux États-Unis. Toutefois, la commercialisation de produits violant la signature écarlate de la marque sévit toujours en Europe et ailleurs, et il n'est pas difficile de se procurer des contrefaçons des fameux escarpins du créateur français dans moult sites Internet et magasins bas-de-gamme en milieu urbain. Nous souhaitons donc à M. Louboutin de trouver une législation à son pied dans les zones encore concernées par l'insolence de la contrefaçon.



A gauche, le modèle original de Christian Louboutin; à droite, le modèle TribToo de Yves Saint Laurent





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