lunes, 1 de abril de 2013

Je discrimine, tu discrimines...

Nous discriminons.

C'est vrai, notre société est bien un haut lieu de prolifération de préjugés, d'idées reçues et de mentalités moyenâgeuses. L'on ne cessera probablement jamais de nous le répéter. 
Mais réjouissons-nous! Les discours d'une pléthore d'hommes politiques veulent que les peuples occidentaux, mis à part les nuances, aient quand même emprunté (au moins pour quelques-uns d'entre eux) la voie du Progrès. Bien que les résultats actuels varient en fonction du pays, tous s'accordent sur un fait indéniable: l'allié le plus fiable de cet idéal en majuscule, c'est le droit



C'est sur cela qu'insiste Gwénaële Calvès, professeur de droit à l'Université de Cergy-Pontoise, qui nous fit la grâce de sa présence dans le modeste et étroit auditorium Beaupain du Lycée Buffon, dans le XVème arrondissement de Paris, à deux pas de l'Institut Pasteur. Sa conférence avait pour thème la lutte contre les discriminations, et, dans un but "interactif", elle s'articulait autour d'une série d'études de cas différents dans lesquels l'on incitait les élèves à identifier les éléments discriminatoires.

L'un de ces scénarios avait pour chute le reproche, pour le moins équivoque, qu'un chef d'équipe adressait à un de ses employés, qu'il accusait de "glander" et qui se vit invité à "retourner dans les Antilles". L'on nous apprit que, bien que fortement connotée, cette remarque ne pouvait faire l'objet d'une dénonciation vis-à-vis de la loi sous prétexte de racisme: ceci s'explique par le fait que le racisme n'est pas reconnu par le droit comme un délit per se (ce ne sont que les manifestations extérieures d'un comportement raciste qui sont sanctionnées).


Mme Gwénaële Calvès, professeur de droit à l'Université de Cergy-Pontoise aux faux airs de Caroline Fourest


Un autre cas présentait la situation d'un agent de ressources humaines, qui écartait délibérément toutes les candidats au poste poposé par son entreprise résidant dans des "quartiers sensibles". La liste officielle des critères de distinction entre les personnes interdits par la loi n'incluant pas la zone d'habitation, cet acte ne peut être considéré comme discriminatoire. En effet, il n'existe pas en France de discrimination légalement reconnue relative à la classe sociale. 

Cependant, la notion d' "origine" existe bien; celle-ci étant relative tant au lieu de naissance qu'à l'origine nationale. Datant de 1972, ce critère de discrimination précède celui lié au genre (1975), au handicap (1989) et à l'orientation sexuelle (2001), entre autres. Par ailleurs, quelques critères jugés discriminatoires sont admis uniquement dans des domaines très particuliers de la société; ainsi, la santé publique prévoit des mesures légales afin de lutter contre la discrimination de la pauvreté, alors que cette considération n'est pas tenue en compte dans d'autres secteurs administratifs et professionnels. 




Et qu'en est-il de la discrimination dite "positive"? Aux yeux de la loi, elle mérite d'être punie au même titre que sa contrepartie "négative". Car la volonté de l'employeur souhaitant publier une annonce à Pôle Emploi dans laquelle il explicite la préférence qui sera donnée aux candidats d'origine maghrébine (sous prétexte que l'équipe de travail en question consistant en une majorité d'employés originaires d'Afrique du Nord, la nouvelle recrue s'intègrera plus facilement) est aussi repréhensible que celle d'un homologue spécifiant que les individus d'origine algérienne ne peuvent postuler à l'offre d'emploi.

Toutefois, pas toutes les affaires de discrimination dans le milieu du travail sont portées devant les mêmes instances juridiques. Le Code Pénal ne peut être violé, par exemple, que si la discrimination dénoncée porte sur le recrutement, la sanction ou le licenciement d'une personne. Pour ce qui est d'une augmentation ou d'une mutation, il faudra se rapporter au Code du travail et soumettre le litige au Conseil de prud'hommes, et non à la Cour pénale.




La note triviale: Le cadre presque intimiste de la petite salle Beaupain était propice aux échanges entre la conférencière et son auditoire, ce qui encouragea quelques questions maladroitement comiques de la part des lycéens, mais néanmoins capables d'alimenter les esprits. Bien qu'excentré, le Lycée Buffon a l'immense avantage de se trouver à proximité de l'une des deux seules boutiques de pâtisserie Pierre Hermé à Paris (sans compter les points de vente "Macarons et Chocolats"), qui proposait les divins croissants "Ispahan" fourrés de framboises fraîches et de crème à la rose ainsi que la voluptueuse tarte Infiniment Vanille, composée de gousses de vanille malgaches ainsi que de mascarpone et de chocolat blanc. 
Une pure délice!